Ces textes législatifs violent la liberté de conscience de certains usagers comme les végétariens et les familles demandeuses de repas non carnés pour raisons religieuses, et impose à tous un modèle alimentaire néfaste pour la planète et ses habitants. En effet, le décret et l'arrêté publiés le 30 septembre 2011 rendent obligatoire la présence de produits d’origine animale dans chaque repas servi.

Cette réglementation rend illégale toute alternative à la viande, au poisson et aux produits laitiers. En dépit des connaissances les plus élémentaires, l’existence même des protéines végétales est niée, de même que les autres sources de calcium, de fer et d’oligoéléments. Ces textes portent atteinte à la liberté des établissements d’enseignement, des élèves et de leurs parents qui souhaitent une alimentation plus saine, plus solidaire et plus respectueuse de la vie animale, du partage des ressources, de l’environnement et de la santé.

Pourtant la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche dit que « La politique publique de l’alimentation… vise à offrir à chacun les conditions du choix de son alimentation en fonction de ses souhaits, de ses contraintes et de ses besoins nutritionnels, pour son bien-être et sa santé. »

L’influence de l’industrie agroalimentaire et des filières de productions animales sur le ministère de l’Agriculture aura-t-elle raison de la liberté de conviction ?

Contact presse : Charlotte Clément, pour ALARM : 06 14 18 73 89

Une mobilisation nationale, voire internationale

Face à la publication du décret 2011-1277, un collectif informel s’est créé regroupant une trentaine d’associations œuvrant à son abrogation dont L214, l’ICDV, l’AVF, ALARM, l’APSARES, Aquitaine Décroissance, le CLAM, Dignité Animale… Les uns et les autres travaillent sur l’information publique et médiatique, sur les recours juridiques nationaux et européens, sur les politiques, sur les actions de rue chacun selon ses compétences.

Le 26 octobre dernier, le Collectif a lancé un appel pour un rassemblement devant les bureaux de la Direction Générale de l’Alimentation (Ministère de l’Agriculture) en exigeant l’abrogation du décret. La presse a répondu au rendez-vous, Jean-Luc Angot, directeur de la DGAL et Paul Mennecier, chef du service de l’alimentation ont reçus les représentants des différentes associations. Jean-Luc Angot s’est engagé à éditer une note de service à destination des organismes de contrôles qui prendra garde à ne pas exclure les menus alternatifs.

En attendant, le décret fait loi.

La mobilisation est maintenue tant que les textes n’auront pas été abrogés.

Par ailleurs, une pétition réclamant l'abrogation du décret n°2011-1277 et de l'arrêté conjoint a rassemblé en un mois près de 10 000 signatures dont de nombreuses venant de l'étranger. De nombreuses associations à l'étranger, végétariennes ou non, ont été heurtées par les manquements de la France vis à vis de la liberté de conviction et par l'impossibilité pour les enfants végétariens de s'alimenter correctement dans les cantines scolaires. Beaucoup d'associations et d'individus à l'étranger soutiennent l'initiative et s'apprêtent à protester auprès des ambassades de France.

Marseille se mobilise

Depuis la rentrée 2011, les écoles marseillaises proposent un menu sans viande répondant aux convictions religieuses des parents de confession juive ou musulmane. Face à ce nouveau décret, Danielle Casanova, adjointe au maire chargée de l’éducation, assure qu’à Marseille « on se prépare déjà à désobéir au cas où les menus sans viande viendraient à être rayés de la carte. Selon une étude réalisée auprès de 47000 familles de demi-pensionnaires, 20% désirent voir adopter ce système, soit 9700 foyers. « Beaucoup d’ enfants boudaient le plat principal même quand il était sans porc », précise l’élue.

Les repas sans viande proposés par « Sodexo » sont remplacés par du poisson ou des oeufs. Ces menus ne sont toujours pas adaptés aux enfants végétariens, et encore moins aux enfants végétaliens…

Pourtant des repas végétaliens, ou à défaut végétariens, répondraient aux convictions éthiques liées à la souffrance animale et aux convictions religieuses sans oublier qu’ils seraient bénéfiques à la santé humaine et planétaire. Pourquoi donc s’en passer ?

L’association ALARM, soutenue par des associations nationales telle L214, l’AVF et l’ICDV, ne s’arrêtera pas à cette action. Nous continuerons à être présents dans la rue, devant les écoles publiques ou privées, devant nos institutions etc. jusqu’à ce que ce décret soit purement et simplement retiré ! Nous ne resterons pas les bras croisés et la conscience lisse face à cette grave atteinte au droit élémentaire de vivre ses convictions et nous ne laisserons pas se refermer la porte sur l’éthique végétarienne, végétalienne et végane en France.

Un sujet d’importance

  • La restauration collective s’adresse à de très nombreux usagers captifs (beaucoup d'élèves n’ont pas la possibilité de rentrer chez eux pour le repas de midi ou n’ont pas les moyens de payer une nounou).
  • Les normes édictées ont vocation à former les habitudes alimentaires des jeunes, et à servir de modèle pour l’alimentation des Français en général.

Un décret au service de l’industrie agro-alimentaire ?

Au lieu d’indiquer les apports nécessaires en divers types de nutriments et d’indiquer les divers moyens de les satisfaire, l'arrêté fixe des normes en termes de produits. Il impose notamment des seuils minimum de viande de bœuf, veau et agneau, de poisson et de produits laitiers, ces derniers étant obligatoires dans chaque menu. L’article 1 de l’arrêté indique que chaque menu doit comprendre un plat principal, dont il est précisé en annexe qu’il s’agit du plat protidique « plat principal à base de viandes, poissons, œufs, abats ou fromages. »

Peut-être parce que l’arrêté du 30 septembre s'appuie sur la recommandation du Groupement d’Étude des Marchés de la Restauration Collective et de la Nutrition1 (GEMRCN), un organisme qui compte parmi ses membres de nombreux représentants des industries agroalimentaires (l'Association Nationale des Industries Agro-alimentaires, le Centre d'Information des Viandes, le Syndicat des entreprises françaises des viandes (SNIV-SNCP), Nestlé, etc.

Une démarche malhonnête programmée de longue date

« Le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, a annoncé la mise en place d'un programme national pour l'alimentation avec pour objectif prioritaire de défendre le secteur agricole ce programme vise aussi à freiner l'impact de certains discours, comme celui de l'ex-Beatle Paul McCartney qui a appelé en décembre, en marge du sommet de Copenhague, à une journée hebdomadaire sans viande pour lutter contre le réchauffement climatique. Cet appel avait suscité une levée de boucliers chez les éleveurs ». (AFP, 21 janvier 2010).

Liberté de conviction ? En France, non.

De nombreuses personnes dans le monde ont la conviction profonde que la consommation des animaux et des produits de leur exploitation n'est pas légitime. Le végétarisme et le végétalisme sont l'expression concrète incontournable de cette conviction. Où est le respect des convictions ?

Les enfants n’auront d’autre choix que de se contenter de repas carencés, au mieux en laissant la viande sur le bord de l’assiette, au pire en se contentant de pain et d’eau selon les repas. Ces textes réglementaires violent la Convention européenne des droits de l'homme, dont l’article 9.1. indique que le droit fondamental à la liberté de conscience inclut la liberté de manifester sa conviction par les pratiques individuelles ou collectives, en public ou en privé (2).

Pourquoi est-il si compliqué en France de proposer plusieurs menus adaptés aux exigences de la population ? Pourquoi ce qui est possible ailleurs semble-il insurmontable en France ?

Intox nutritionnelle

Dans cette réglementation, il n'est fait mention nulle part du fait que les besoins nutritionnels en protéines et autres nutriments peuvent être satisfaits de manière alternative par des produits d'origine végétale (à la différence de ce qu'indique le PNNS belge par exemple).

→ Comparaison de différentes recommandations de santé publique

Elle impose les produits laitiers comme source unique de calcium. Pire encore, le décret impose un produit laitier par repas, au même titre que l'entrée et le plat principal. Elle véhicule ainsi deux idées fausses :

  • seuls les produits laitiers sont sources de calcium
  • les produits laitiers sont indispensables

De même, le plat protidique se décline exclusivement en produits d'origine animale, occultant le fait incontestable que nos besoins en protéines peuvent être pleinement satisfaits par des produits végétaux. Si l’on avait voulu entretenir la croyance fausse selon laquelle les produits d’origine animale sont indispensables à la santé, en un temps où l’on sent qu’elle se fragilise, on ne s’y serait pas pris autrement.

Pourquoi s’alarmer ?

Cette réglementation de la restauration scolaire est inacceptable. Elle érige en norme un modèle alimentaire fondé sur une hyper-consommation de produits d’origine animale : un modèle égoïste qui accapare une part démesurée des ressources agricoles alors que près d’un milliard de personnes souffrent de la faim, un modèle au coût effroyable en termes de souffrance animale, un modèle destructeur pour l’environnement. (Plus d’informations sur viande.info)



Cet acte politique consistant à rendre obligatoire un modèle alimentaire est un moyen de verrouiller le système établi et d’empêcher les évolutions nécessaires.

De plus, la réglementation de la restauration scolaire n’est que la première phase d’une stratégie gouvernementale qui assurera durablement d’abondants débouchés aux filières de productions animales : on sait d’ores et déjà que des normes similaires vont être édictées pour les établissements hospitaliers, les prisons, les maisons de retraite et le portage de repas à domicile.

La restauration collective publique doit être exemplaire d’une alimentation responsable et solidaire.

Parce qu’ils empêchent les enfants végétariens d’avoir accès à une alimentation équilibrée dans les cantines, parce qu’ils font croire que seul un menu carné permet d’assurer l’équilibre alimentaire, parce qu’ils portent atteinte à la liberté de conviction, nous exigeons l’abrogation des textes législatifs imposant la consommation de produits animaux dans les cantines scolaires publics et privés.

1. GEMRCN, Recommandation nutrition, version du 4 mai 2007.

2. Art. 9.1 : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. »

Presse : Charlotte Clément, pour ALARM : 06 14 18 73 89