Vue d'ensemble et sources

Deux ensembles de textes sont concernés, le premier voté par le Parlement en juillet 2010 et le second émis par le gouvernement le 30 septembre 2011. Ils sont présentés ici en ordre chronologique inverse.

1. Un décret et un arrêté émis par le gouvernement le 30 september 2011 et publiés au Journal Officiel de la République française le 2 octobre. On les trouve sur le site Web du Journal Officiel. Les pages contenant ce décret et cet arrêté ont été extraites et assemblées ici.

1.a. Le «Décret no 2011-1227 du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire».

1.b. L'«Arrêté du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire».

L'obligation de servir régulièrement de la viande et du poisson apparaît dans l'Annexe I de cet arrêté.

2. La «Loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche» (LMAP) du 27 juillet 2010, votée par le Parlement. Cette loi a en particulier créé l'article L230-5 du Code rural et de la pêche maritime, article que l'on trouve sur le site législatif officiel legifrance.gouv.fr

Le texte de la LMAP elle-même peut être lu ici (la substance est principalement dans les liens).

C'est cette loi, votée par le Parlement, qui autorise le gouvernement à édicter par décret des règles concernant la qualité nutritionnelle des repas servis dans les écoles et dans bien d'autres services de restauration collective. La loi ne spécifie pas elle-même le contenu de ces règles, laissant au gouvernement le soin de le faire; le décret et l'arrêté du 30 septembre, qui interdisent le végétarisme dans les cantines scolaires, sont ainsi les premiers textes pris dans ce sens.

La lecture d'autres textes, de nature non législative, peut être utile pour comprendre le contexte. Concernant la recommandation du GEMRCN, voir sur ce site «Manger les animaux sera une obligation légale» (juillet 2011) et sur le PNNS, «Les biais du PNNS».

Le décret et l'arrêté

Le décret du 30 septembre 2011

Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Décret no 2011-1227 du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire

NOR: AGRG1032342D

Publics concernés: les gestionnaires, publics et privés, des services de restauration scolaire.

Objet: qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire.

Entrée en vigueur: le décret prévoit une entrée en vigueur progressive des dispositions en fonction du nombre de repas servis dans les services de restauration soumis à ces nouvelles obligations. Elles entrent en vigueur:

– le lendemain de la publication pour les services de restauration scolaire servant plus de 80 couverts par jour en moyenne sur l'année ;

– à compter du 1er septembre 2012 pour les services de restauration scolaire servant moins de 80 couverts par jour en moyenne sur l'année.

Notice: le décret prévoit les exigences que doivent respecter les gestionnaires des services de restauration concernant la qualité nutritionnelle des repas qu'ils proposent. Ces exigences portent sur la variété et la composition des repas proposés, la taille des portions, le service de l'eau, du pain, du sel et des sauces. Le texte prévoit que ces dispositions sont précisées par un arrêté conjoint du ministre de la défense, des ministres chargés de l'outre-mer et des collectivités territoriales, de la santé, de l'alimentation, de la consommation et de l'éducation nationale.

[... (obligations de tenue de registres)]

Référence: le code rural et de la pêche maritime, modifié par le présent décret, peut être consulté, dans sa rédaction issue de ces modifications, sur le site Légifrance (http://www.legifrance.gouv.fr).

Le présent décret est pris pour l'application de l'article 1er de la loi no 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche.

Le Premier ministre,

[... (référence aux textes existants)]

Décrète:

Art. 1er. − Le livre II du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié:

1° Le chapitre préliminaire du titre III est complété par les dispositions suivantes:

«Section 3

«La qualité nutritionnelle en restauration collective

«Art. D. 230-25. − Afin d'atteindre l'objectif d'équilibre nutritionnel des repas servis par les services de restauration scolaire, sont requis, conformément à l'article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime:

«– quatre ou cinq plats proposés à chaque déjeuner ou dîner, dont nécessairement un plat principal comprenant une garniture, et un produit laitier;

«– le respect d'exigences minimales de variété des plats servis;

«– la mise à disposition de portions de taille adaptée;

«– la définition de règles adaptées pour le service de l'eau, du pain, du sel et des sauces.

«Un arrêté conjoint du ministre de la défense, des ministres chargés de l'outre-mer et des collectivités territoriales, de la santé, de l'alimentation, de la consommation et de l'éducation nationale précise la nature des exigences sur la diversité des plats servis, sur le service de l'eau, du pain, du sel et des sauces ainsi que sur les tailles des portions d'aliments.

«Art. D. 230-26. [...]

Art. 2. − Les dispositions du présent décret entrent en vigueur à compter du 1er septembre 2012 pour les services de restauration scolaire servant moins de 80 couverts par jour en moyenne sur l'année.

Article 3: [... (qui est chargé de l'application du décret)]

Fait le 30 septembre 2011.

Par le Premier ministre: François Fillon.

[... (série d'autres ministres)]

L'arrêté du 30 septembre 2011

Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Arrêté du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire

NOR: AGRG1032380A

Le ministre de la défense et des anciens combattants, [... (liste de ministres)],

Vu [... (liste de textes)],

Arrêtent:

Art. 1 . − Les déjeuners et dîners servis dans le cadre de la restauration scolaire comprennent nécessairement un plat principal, une garniture, un produit laitier et, au choix, une entrée et/ou un dessert.

La variété des repas est appréciée sur la base de la fréquence de présentation des plats servis au cours de 20 repas successifs selon les règles fixées à l'annexe I du présent arrêté.

La taille des portions servies doit être adaptée au type de plat et à chaque classe d'âge. Les gestionnaires des restaurants scolaires doivent exiger de leurs fournisseurs que les produits alimentaires qu'ils livrent soient conformes aux valeurs précisées à l'annexe II du présent arrêté.

Article 2: [... (eau, sel, pain, ketchup, etc.)].

Article 3: [... (dates d'effet)].

[...]

Fait le 30 septembre 2011.

Le ministre de l'agriculture, [... (liste de ministères)]

Annexe I

Fréquences de présentation des plats

Au sens de la présente annexe, on entend par:

– produits gras: produits à teneur en matières grasses supérieure à 15 %;

– produits sucrés: produits contenant plus de 20 g de sucres simples totaux par portion;

– plat protidique: plat principal à base de viandes, poissons, œufs, abats ou fromages.

Les fréquences figurant ci-dessous sont définies sur la base de 20 repas successifs.

Pour garantir les apports en fibres et en vitamines, il convient de servir:

– au moins 10 repas avec, en entrée ou accompagnement du plat, des crudités de légumes ou des fruits frais;

– au moins 8 repas avec en dessert des fruits crus;

– 10 repas avec, en garniture ou accompagnement du plat protidique, des légumes cuits, autres que les légumes secs;

– 10 repas avec, en garniture ou accompagnement du plat protidique, des légumes secs, féculents ou céréales.

Pour garantir les apports en calcium, il convient de servir:

– au moins 8 repas avec, en entrée ou en produit laitier, des fromages contenant au moins 150 mg de calcium par portion;

– au moins 4 repas avec, en entrée ou en produit laitier, des fromages dont la teneur en calcium est comprise entre 100 mg et 150 mg par portion;

– au moins 6 repas avec des produits laitiers ou des desserts lactés contenant plus de 100 mg de calcium et moins de 5 g de matières grasses par portion.

Pour garantir les apports en fer et en oligoéléments, il convient de servir:

– au moins 4 repas avec, en plat protidique, des viandes non hachées de bœuf, veau, agneau ou des abats de boucherie;

– au moins 4 repas avec, en plat protidique, du poisson ou une préparation d'au moins 70 % de poisson et contenant au moins deux fois plus de protéines que de matières grasses;

– moins de 4 repas avec, en plat protidique, une préparation à base de viande, de poisson ou d'œuf contenant moins de 70 % de ces produits.

Pour limiter les apports en matières grasses, il convient de ne pas servir:

– plus de 4 entrées constituées de produits gras;

plus de 3 desserts constitués de produits gras;

– plus de 4 plats protidiques ou garnitures constitués de produits gras à frire ou préfrits;

– plus de 2 plats protidiques qui contiendraient autant ou plus de matières grasses que de protéines.

Pour limiter les apports en sucres simples, il convient de ne pas servir:

– plus de 4 desserts constitués de produits sucrés et contenant moins de 15 % de matières grasses.

Annexe II

[... (tableau sur la taille des portions à servir)]

La loi du 27 juillet 2010

La loi du 27 juillet 2010 dite «Loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche» (LMAP) votée par le Parlement français a créé l'article L230-5 du Code rural et de la pêche maritime. Voici le début de cet article:

Les gestionnaires, publics et privés, des services de restauration scolaire et universitaire ainsi que des services de restauration des établissements d'accueil des enfants de moins de six ans, des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux et des établissements pénitentiaires sont tenus de respecter des règles, déterminées par décret, relatives à la qualité nutritionnelle des repas qu'ils proposent[...]

Le décret du 30 septembre 2011 est ainsi pris en application de cette LMAP. Il ne concerne que la restauration scolaire; d'autres décrets sont donc à prévoir pour les autres cas énoncés dans la loi.

Analyse

L'interdiction du végétarisme

Les textes ne mentionnent nulle part le végétarisme. Cependant, pour qui les lit d'un œil neutre, ce qu'ils disent à ce propos est simple et direct. Les repas doivent comporter un plat principal, le plat principal doit être à base de protéines animales, et huit fois sur vingt à base de viande ou de poisson. Vu qu'en France il n'est généralement pas permis d'apporter son propre repas, il en résulte que les élèves qui ne peuvent pas, pour des raisons pratiques, rentrer à la maison à l'heure du repas doivent accepter d'avoir chaque jour des produits animaux dans leur assiette, et en moyenne deux fois par semaine de la viande ou du poisson.

La rédaction de ces textes est néanmoins assez complexe et parfois brouillonne. Sur certains points on peut se demander s'il n'y a pas moyen de contourner ces obligations. C'est pourquoi nous allons entrer dans une analyse plus détaillée, sous la forme de questions et de réponses.

«Ces textes imposent de servir de la viande, mais n'interdisent pas de proposer d'autre choses à la place.»

La LMAP stipule que les responsables des cantines «sont tenus de respecter des règles, déterminées par décret, relatives à la qualité nutritionnelle des repas qu'ils proposent». L'emploi de l'article défini («des» contraction de «de les») implique qu'il s'agit de règles gouvernant tous les repas servis. Dans le décret et l'arrêté, l'article défini est employé chaque fois qu'il est question des repas («les repas», «des repas»).

«Selon l'annexe I, il est obligatoire de servir de la viande et du poisson, ce qui veut qu'il faut mettre la viande et le poisson à disposition des élèves, mais non qu'il faille obligatoirement en servir à tout le monde.»

Au contraire, il est imposé de servir la viande et le poisson à tous les convives, comme il apparaît si on examine attentivement les textes. Il découle de l'annexe I de l'arrêté que doivent être servis 4 fois de la viande et 4 fois du poisson «sur la base de 20 repas successifs». Ils doivent être servis «en plat protidique». Un «plat protidique» est défini dans l'annexe I comme un «plat principal». Or le plat principal est un élément obligatoire du repas, comme l'indique le décret: «Afin d'atteindre l'objectif d'équilibre nutritionnel des repas servis par les services de restauration scolaire, sont requis (...) quatre ou cinq plats proposés à chaque déjeuner ou dîner, dont nécessairement un plat principal (...)» Il s'ensuit que la viande et le poisson en question font partie intégrante obligatoire des repas servis. Huit jours sur vingt minimum l'élève doit avoir de la viande ou du poisson dans son assiette.

«Ces textes ne définissent pas clairement le concept de série de 20 repas successifs.»

En effet, et là se trouve sans doute l'unique moyen imaginable de contourner la loi. Il est permis de servir des repas végétariens au plus 12 fois sur 20 dans chaque série. L'administration d'une cantine désirant répondre aux demandes des végétariens pourrait proposer chaque jour le choix entre le repas d'une série A et celui d'une série B, chaque série A et B comportant de la viande et du poisson 8 fois par cycle de 20 repas, mais en décalage, de manière à ce qu'un repas sans viande soit disponible tous les jours. Il est cependant clair que cela va directement à l'encontre du but de la loi, faisant du végétarien un semi-clandestin jouant avec les trous de la loi. La viande et le poisson sont imposés, dit l'annexe I, dans le but de «garantir les apports en fer et en oligoéléments», et un responsable de cantine qui permettrait une telle option végétarienne quotidienne (en décalant les jours où la viande est présente entre la série A et la série B) se verrait reprocher de ne pas garantir aux élèves des repas équilibrés. L'élève se retrouverait dans la position d'un semi-clandestin ne parvenant à s'alimenter sans viande que grâce à la protection de l'administration de la cantine contre les autorités supérieures.

«Un repas végétarien peut être servi douze jours sur vingt.»

Oui, mais un végétarien n'est pas végétarien douze jours sur vingt. Un végétarien ne mange pas les animaux, et souvent considère comme éthiquement injustifiable de le faire. Verrait-on comme acceptable d'obliger, par exemple, un chrétien à cracher sur la croix - mais seulement huit jours sur vingt?

De plus, lorsque ni viande ni poisson ne sont servis doit être servi à la place un plat à base d'œufs ou de fromage. L'expression «à base de» (annexe I) indique qu'il s'agit de plus que, par exemple, du fromage râpé saupoudré sur les pâtes; les œufs ou le fromage doivent former la part principale du plat. Il est difficile d'imaginer un plat à base d'œufs ou de fromage servi 12 fois sur 20, et donc en pratique ce sera de la viande ou du poisson bien plus que 8 fois sur 20.

«Le décret dit que chaque repas doit comporter un plat principal, mais nulle part il n'est dit qu'un plat principal doit être un plat protidique. L'annexe I indique que la viande et le poisson doivent être servis (8 fois sur 20) comme plat protidique, mais rien ne rend ce plat protidique obligatoire.»

Il est vrai que les plats protidiques sont définis (annexe I) comme des plats principaux, mais que nulle part la réciproque, à savoir que les plats principaux sont nécessairement des plats protidiques, n'est-elle explicitement énoncée. Cependant, l'annexe I stipule que sur 20 repas successifs il doit y avoir 10 fois des légumes cuits et 10 fois des légumes secs, etc. «en garniture ou accompagnement du plat protidique». Comme la garniture doit forcément être la garniture de quelque chose, cette dernière expression veut dire «en garniture du plat protidique ou accompagnement du plat protidique». Il s'ensuit qu'il doit y avoir un plat protidique 10 + 10 fois sur 20, donc à chaque repas. Et huit fois sur vingt ce plat protidique doit être de la viande ou du poisson (annexe I).

«On ne va pas forcer les gamins à manger la viande et le poisson. Ils peuvent les laisser sur le bord de l'assiette.»

Quand on est végétarien par souci pour les animaux, que la viande aille à la poubelle signifie que ce végétarisme ne changera rien dans le nombre d'animaux tués. Cela vide ainsi largement le végétarisme de sa portée.

On peut effectivement laisser la viande sur le bord de l'assiette, et aussi les haricots verts baignant dans le jus de la viande, et de même pour la salade au thon, et ainsi de suite. Puisque la loi indique en substance qu'on ne recevra pas les végétariens, aucun effort ne sera fait pour servir des plats qui leur conviennent - sans parler des végétaliens. Il pourra à l'occasion y avoir une pomme en dessert. Il restera toujours bien sûr le pain et l'eau...

L'attitude des autres élèves, le ventre vide et les incitations du personnel rendront très difficile à l'élève isolé - et même à un adulte dans la même situation - de refuser de manger la viande ou le poisson. Bien sûr, certains y parviendront parfois. Aucune loi n'est parfaite! Ce que cela démontrera sera seulement que les végétariens peuvent manger à la cantine - tant qu'ils ne mangent pas grand chose.

Les autres produits animaux

Chaque repas sans exception, répètent le décret, l'arrêté et l'annexe I, doit comporter un produit laitier. Les quantités sont spécifiées dans l'annexe II (non rapporté ici). Elles ne sont pas négligeables. De plus (cf. ci-dessus) il doit comporter un plat principal à base de viandes, poissons, œufs, abats ou fromages. Ceci est un minimum, puisque les autres plats du repas peuvent eux aussi contenir des produits animaux.

La portée de ces textes

La LMAP votée par le Parlement donne instruction au gouvernement de publier de tels décrets non seulement pour les cantines scolaires, mais aussi pour:

- toutes les crèches et les restaurants universitaires;

- tous les hôpitaux et cliniques;

- toutes les maisons de retraite;

- toutes les prisons.

Le décret et l'arrêté du 30 septembre concernant la restauration scolaire ne sont donc que les premiers d'une série. Lorsque tous les décrets auront été publiés, une large part de la population française, y compris les «clients captifs» des hôpitaux, maisons de retraite et prisons, n'aura plus d'autre choix que de consommer des produits animaux à chaque repas et la viande et du poisson régulièrement, sur ordre de la loi.

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